Charles Socquet / 2
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Une vie de médecin à Megève

 

L’installation du premier cabinet

Avec l’aide financière d’amis de la famille, Charles et sa mère trouvent à se loger dans une ferme ancienne. Un deux pièces en rez-de-chaussée. Dans l’une, il installe une salle d’attente et dans l’autre, prend place la salle mixte pour son bureau et l’examen de ses patients. Il doit se contenter d’un mobilier sommaire : une table d’examen et une desserte pour les accessoires médicaux (bistouris, pinces, ciseaux, stéthoscope en bois, un forceps pour les accouchements et la fameuse trousse de cuir pour ses déplacements…). En février 43, il est admis au Conseil de l’Ordre des médecins sous le numéro 192. Le 24 de ce même mois, il ouvre son cabinet médical. Cinq confrères sont en exercice sur Megève à cette époque. Charles Socquet entame sa nouvelle carrière de médecin de montagne qu’il pense encore temporaire. Sa mère, fille du pays, assure le secrétariat du cabinet.

Docteur Charles Socquet

Médecine générale

Médecine Infantile

Tél : 408

Le 24 février, au cours de l’après midi, premier coup de téléphone. Une jeune femme, séjournant dans un petit hôtel sur les pentes du Calvaire, est victime d’un accident de ski. Elle sera la première patiente d’une longue carrière médicale.

Charles reçoit un accueil favorable de la part de la population : 17 personnes la première semaine, puis 48 la deuxième…Il reçoit des mégevans d’origine et des touristes de passage. Rapidement, sa clientèle s’étend et se compte dans sept localités voisines (Praz, Combloux, Cordon, La Giettaz, Flumet…). Désormais l’installation s’envisage comme définitive. Humaniste avant tout, si les frais de pharmacie sont à la charge des familles, les règlements d’honoraires du médecin sont réglés de façon variable (œufs, saucissons, jambons, pommes de terre…) Charles gagne ses revenus sur la clientèle touristique.

 

Un médecin à moto

Pour se déplacer, il investit dans une moto d’occasion chez Eucariste Seigneur. Sur cette 500 cm3, été comme hiver, de nuit comme de jour, dimanches et jours de fêtes,  Charles sillonne les routes de montagne au secours des malades. Il affronte la neige profonde, grimpe les pentes escarpées… Un soir d’hiver, Charles reçoit un appel par une nuit remplie d’étoiles. La neige est abondante sur les routes et il fait très froid. Non, c’est impossible, la moto ne pourra jamais monter jusqu’à La Giettaz. Mais le mari de la malade l’attend à Flumet avec son cheval et son traîneau…

Tour à tour généraliste, gynécologue, spécialiste chirurgien, il accompagne des naissances, des vies et des morts. Il partage des joies et des peines… Médecin des neiges, des âmes autant que des corps.

Sa vocation, sa vie, son sacerdoce. Charles a su prouver son amour et sa grande foi pour soigner les gens de là-haut, surtout quand passent les guerres et leurs cohortes d’aveugles violences, surtout lorsque les progrès scientifiques et techniques n’arrivent pas à pénétrer dans les hautes vallées.

 

Un Résistant

Charles Socquet n’oublie pas les paroles du Général de Gaulle. Il rejoindra le noyau de la résistance mégevanne au début de l’année 1943. Très vite, il est nommé chef civil de l’armée secrète pour le secteur de Megève. Davantage de responsabilités mais aussi davantage de risques. En février 44, l’AS de Megève rejoint les FFI (Forces françaises de l’intérieur). En juin la situation s’envenime et  Charles rejoint le maquis local puis bientôt les Glières suivi du Col du Bonhomme. Mars 45, la victoire est proche. Charles Socquet s’engage dans l’Armée volontaire en tant que médecin lieutenant puis capitaine lors de la campagne d’Allemagne.

En 1956, Charles Socquet sera élevé au rang de Chevalier de la Légion d’Honneur pour faits de guerre et de Résistance et recevra la médaille de la Résistance et la Croix de Guerre.         

 

(Photo / Notre Dame de la Gorge : le départ pour le Col du Bonhomme - 21 avril 1944)

 

L’après-guerre

En 1946, de retour de sa campagne d’Allemagne, Charles s’installe dans un chalet voisin, Le savoyard, « à croire que je le deviens moi même de plus en plus ».

Progressivement, le cabinet se modernise et s’équipe enfin de l’appareil radiographique tant rêvé. La pharmaceutique, quant à elle, se perfectionne. Charles multiplie ses engagements auprès des malades de la commune. Médecin de beaucoup de maisons d’enfants, médecin du service municipal pour la consultation des nourrissons (de 1944 à 1971), médecin des pensionnaires de l’hospice de Megève en 1945, puis en 1951 de la Caisse des Dépôts et Consignations pour l’établissement de dossiers d’assurances décès…enfin médecin de l’assistance médicale gratuite dès octobre 1954…

Au cours de l’année 1947, l’amas d’un petit pécule lui permet de réaliser son rêve : l’achat d’un terrain et la construction d’un chalet. Il y emménage en 1952.

En 1955, sa mère décède. La même année, il épouse Arlette, une fille du pays. L’année suivante naît un premier enfant, une fille, suivie en 1957 d’un garçon. Les années passent et, en 1962, il décide de s’associer.

1982. Le docteur Charles Socquet quitte la blouse blanche. Ne voulant pas rompre brutalement avec sa vocation, il restera encore sept années durant dans le service médical de la nouvelle maison de retraite de Megève.

 

Dans la mémoire des Mégevans et des habitants des villages alentours,  il restera à jamais le Docteur Charles Socquet.

 

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